À l’école primaire, pour la fête des mères.
Nos institutrices avaient eu l’idée (à moins que ce soit venu de plus haut ? 🤷) de faire fabriquer la même carte de vœux par chaque enfant pour sa maman. Il fallait dessiner une fleur (je crois) et écrire un poème (ça j’en suis sûre). Si je n’avais rien contre l’idée, je trouvais le poème trop niais et impersonnel. J’avais donc demandé si nous pouvions écrire quelque chose de nous-mêmes… plutôt qu’avoir tous la même carte. Réponse : « il manquerait plus que ça ! Ça deviendrait ingérable ! » (La phrase n’était pas mot pour mot celle-ci, mais l’idée est là).
Qu’à cela ne tienne ! Je suis quelqu’un de conciliant… mais têtu. J’ai donc rempli mes obligations scolaires… et à côté j’ai composé mon premier poème. Le jour de la fête des mères, j’offrais donc – toute fière – deux cadeaux à la mienne. Celui de l’école (je n’allais tout de même pas gaspiller) avec, à l’intérieur, une feuille où je lui parlais d’elle – avec MES mots.
À neuf ans, alitée pour une raison qui m’est devenue obscure aujourd’hui (enfin… j’étais malade ! Mais qu’est-ce que j’avais ? Bonne question. À l’époque j’étais très souvent fiévreuse parce que « je grandissais d’un coup » disait le médecin et je faisais aussi au moins une angine carabinée par an), je m’ennuyais. Encore !
C’était l’automne (ou l’hiver). En cette période de l’année, j’adorais entendre le bruit du vent qui passait par les fenêtres fermées de l’école. J’étais fascinée par le cri strident qu’il poussait. On pourrait aussi se dire que l’isolation était vraiment mauvaise… mais j’adorais ces siclées. J’imaginais qu’il s’agissait d’âmes d’enfants morts d’ennuis en cours. Qu’elles hantaient les lieux et que (peut-être) j’allais finir avec elles.
La fièvre moins forte que la veille (je crois), je lisais une histoire pour enfants avec les bruits des animaux. « Hou ! Hou ! Fait le hibou » est la seule phrase dont je me souvienne de ce livre aujourd’hui. De mémoire (pourtant pas très claire), j’avais le sentiment que je perdais mon temps avec un ouvrage qui n’était plus de mon âge. Quand on sait que Stephen King lisait Jack London au même âge…
La fièvre cependant m’empêchait lecture d’histoires plus abouties. Je lâchais donc très vite ce bouquin pour me perdre dans mon imaginaire, afin de m’aider à m’endormir (j’ai toujours eu un sommeil difficile). Au lieu de rejoindre Morphée (qui – pour ne pas changer – me refusait ses bras), je me suis mise à transposer ce que j’avais lu à mes lubies.
C’est comme ça qu’est né le premier poème écrit juste pour mon plaisir : LE VENT.
Aaah ! Aaah ! Sicle le vent
Aaah ! Aaah ! Aux fenêtres des enfants
Aaah ! Aaah ! Il ne veut pas leur faire peur
Aaah ! Aaah ! Ce ne sont que des pleurs
Souh ! Souh ! Siffle le vent
Souh ! Souh ! Tel un enfant
Souh ! Souh ! Qui se moquerait
Souh ! Souh ! De son frère réprimandé
Ouh ! Ouh ! Dit le vent
Ouh ! Ouh ! Qui se déguise en fantôme pour faire peur
Ouh ! Ouh ! Mais son caractère lui fait mal au cœur
Ouh ! Ouh ! Car il met les enfants en pleurs
Chut ! Chut ! Chuchote le vent
Chut ! Chut ! N’aie plus peur maintenant
Chut ! Chut ! Je chante pour te bercer
Chut ! Chut ! Vas-y dors mon bébé
En seconde, je m’étais fait une copine qui adorait écrire des poèmes (tout comme moi 🤩). Je me souviens que son style favori était ceux dont l’association de la première lettre de chaque vers formait un prénom. À partir de là, elle écrivait ce qu’elle ressentait pour cette personne.
Je connaissais, mais ne m’étais pas souvent adonnée à l’exercice… ne voyant pas l’intérêt d’ajouter des contraintes en plus du nombre de vers, de strophes et la qualité des rimes (contraintes qui en réalité ne sont pas obligatoires et dont je me libérerai régulièrement (en partie tout du moins) jusqu’à abandonner tout bonnement la poésie). Durant cette année scolaire et la suivante, elle faisait publier ses écrits dans le journal du lycée. Je me souviens que je la trouvais super courageuse d’avoir osé proposer son travail. Non pas que je le trouvais mauvais… juste que j’avais bien trop peur d’un refus de mon côté.
Mes souvenirs sont assez flous sur le nombre d’années que j’ai passé avec cette amie dans ma classe. Seconde et première scientifique, ou juste seconde ? Je ne me souviens plus… Le fait est qu’après avoir gentiment été invitée à quitter le cursus scientifique au terme de ma première (car je n’arrive à faire aucun effort quand ça ne m’intéresse pas), je retrouvais cette amie dans le bus après les cours.
En première STTCG (Sciences des Techniques Tertiaires en Compta-Gestion) – parce qu’il y avait de la lumière et que je suis entrée – cette copine me dit un jour dans le bus que « le prof qui gère le journal du lycée cette année a changé et [qu]’il a refusé [s]es poèmes. Tu devrais tenter toi », m’a-t-elle proposé.
J’avoue que lorsqu’elle m’a donné le nom du professeur en question, j’ai blêmi. Il avait été mon prof de français en 1eS et il avait un jour clamé en plein cours : « personne dans cette classe ne deviendra jamais écrivain ! Vous êtes tous nuls. »… et c’est vrai que je devais avoir 2 ou 3 de moyenne avec lui. Je me souviens que mes copines s’étaient toutes tournées vers moi, l’œil compatissant, pour voir ma réaction. Comme si l’homme que nous avions devant nous avait parole d’évangile !?!
Bref ! Ayant une proclamation à confirmer (ou une revanche à prendre), je lui apportais un poème. Lorsqu’il l’eu lu, il me regarda avec de grands yeux étonnés et me dit que mon poème était accepté.
Je n’ai jamais osé lui en proposer de nouveaux, tellement je craignais qu’il refuse mes autres compositions et je n’ai même pas gardé d’exemplaire du journal tellement j’étais gênée d’avoir réussi à me faire publier (même dans un journal de lycée…).
LEURRE
Se tressent une à une les secondes
S’enlacent pas à pas les heures
Le temps n’est qu’une image du monde
Le monde n’est qu’un leurre
La nuit, le jour se confondent
Le ciel, la terre s’unissent
Les minutes deviennent fécondes
Les êtres se bénissent
Écoute, écoute le silence du temps
Regarde tourner les aiguilles
À toi s’offrent leurs vibrations, sens
Caresse ses deux joyeuses anguilles
Crochet de minutes, crochet d’heures
Crochète les horloges, les goussets
Crochet d’images, crochet de leurres
Crochète les montres vierges dépassées
Enfant, j’écrivais parce que je m’ennuyais. Très vite, j’ai aimé m’abandonner à mon imaginaire. Je fermais les yeux, oubliais mes tracas et frustrations. Je redonnais vie à des instants de mon histoire dont je pouvais réécrire le dénouement.
À l’adolescence, j’écrivais des drames familiaux parce que je voulais choquer. Je voulais faire naître des émotions dans les chaumières et si possible faire couiner la ménagère. Je voulais qu’on plaigne mes personnages, parce que dans la vie réelle, personne ne compatissait à mes soucis.
Mais ça… c’était avant.
Aujourd’hui, j’ai compris que la raison pour laquelle j’écris est des plus terre à terre : j’aime rêver et faire rêver. En sommes, pour moi le roman c’est la croisière du pauvre. Un voyage dans un univers parallèle au moindre coût… car même s’il raconte une histoire vraie, un roman est toujours « romancé » (et c’est là que le voyage commence).
Car, comme j’aime embarquer dans l’univers de son auteur.e chaque fois que j’appréhende une œuvre, je convie qui veut à vadrouiller dans le mien. C’est pourquoi je me qualifie romancière et non écrivaine. Je raconte des histoires. Je partage mon imaginaire. J’offre une parenthèse pour, l’espace d’un roman, s’évader loin de nos tâches domestiques, loin de nos responsabilités, loin de nos obligations et devoirs. J’invite ainsi chaque lect.eur.rice à se promener dans d’autres vies… à se laisser aller à rêver d’autres choses.
Par contre attention spoiler : mon univers est assez sombre 😜 (un reste de mes drames familiaux sûrement 😉).
Adolescente, j’ai vu un écrivain interviewé à la télé (qui c’était ? Quelle l’émission ?… je ne m’en souviens pas). Il expliquait qu’on avait tendance à s’imaginer que vivre de ses livres était impossible si on ne frisait pas le génie, parce qu’on pensait aux auteurs de best-seller. « Mais c’est faux », avait-il ajouté. « En fait, on peut… moi par exemple, je vis au SMIC grâce à eux et ça me va très bien. Pourtant je n’ai écrit aucun best-seller pour le moment ! »
Après l’avoir entendu, j’étais déterminée, je voulais devenir écrivain… la vie me fera prendre une autre voie (en croisant les doigts pour que mon projet aboutisse).
Il y a une chose très importante à savoir pour comprendre mon univers et mon parcours. Je somatise à mort (de façon presque littérale). Je suis une anxieuse pathologique, une névrosée de la vie… la moindre contrariété et mon organisme entier l’exprime. J’ai fini je ne sais combien de fois alitée, incapable de marcher, mes articulations me faisant souffrir le martyre (je ne souffre pas de fibromyalgie…). Pour la simple et bonne raison que mon inconscient prend le dessus et me ramène à la place qu’il connait le mieux.
Aujourd’hui, après avoir exprimé mainte et mainte fois mon désir de tenter l’expérience (et ayant chaque fois cédé après que mon corps entier ne soit devenu que douleurs et faiblesses), j’ai décidé de tenir bon et de me lancer. Advienne que pourra ! J’ai eu ma dose de salariat… j’ai envie de vivre de ma passion et de la partager avec un maximum de personnes.
Je vais donc avancer doucement (parfois trop doucement pour les ami.e.s qui croient en mon talent et qui me voient tergiverser depuis des années). Doucement mais sûrement. Concilier entre mon soma terrorisé de s’engager sur un chemin qu’il ne connaît pas et mon souhait, mon désir, mon envie… que dis-je ma détermination à consacrer mon temps à faire rêver les gens.